Une enquête nationale révèle un intérêt massif et inattendu des étudiants en pharmacie pour l’histoire de leur discipline. Treize unités de formation et de recherche (UFR) ont décidé de s’associer à la Société d’Histoire de la Pharmacie afin d’installer durablement cet enseignement dans les cursus. Derrière cette mobilisation, un objectif clair : renforcer la culture professionnelle, nourrir la réflexion et consolider l’identité du métier.
La Société d’histoire de la pharmacie (SHP), fondée en 1913 et reconnue d’utilité publique, a lancé du 21 janvier au 16 mars 2025 sa première enquête nationale consacrée à la place de l’histoire dans la formation pharmaceutique. Ainsi, 311 réponses ont été recueillies, dont près des deux tiers d’étudiants.
Les résultats tracent une tendance nette : plus de 9 étudiants sur 10 s’intéressent à l’histoire de leur profession. Près de 80 % sont favorables à un enseignement optionnel, sans examen, centré sur la culture générale et la compréhension des évolutions du métier.
Point frappant : près de 40 % estiment ne pas connaître cette discipline, et à peine un sur deux a bénéficié d’une intervention en faculté. Le déficit d’enseignement pousse un étudiant sur cinq à rechercher des ressources par lui-même, signe d’un manque structurel devenu visible.
Une attente forte : « mieux comprendre, mieux exercer, mieux défendre la profession »
Les verbatims rassemblés dans l’enquête permettent de comprendre les motivations :
- mieux comprendre les mutations de la profession ;
- améliorer son exercice futur ;
- valoriser le rôle du pharmacien auprès des patients et des autres professionnels ;
- renforcer le sentiment de cohésion ;
- disposer d’une culture solide pour anticiper les évolutions.
Les nombreux arguments favorables forment un corpus dense. À l’inverse, les réserves exprimées restent marginales : manque d’intérêt personnel, programme universitaire chargé ou impression que certains éléments ont déjà été abordés en première année.
Les notes attribuées soulignent aussi cette appétence : médianes supérieures à 9/10, quel que soit le sous-groupe interrogé.
Treize UFR s’engagent : un partenariat inédit avec la SHP
Après présentation des résultats aux doyens, treize UFR de pharmacie se sont engagées dans une collaboration structurée avec la SHP.
La Société met à disposition un ensemble d’outils immédiatement mobilisables :
- développement du DU d’Histoire de la Pharmacie, dirigé par Olivier Lafont (Université Paris Cité), avec une réflexion sur la possibilité de le suivre en distanciel ;
- interventions pédagogiques bénévoles dans les facultés ;
- encadrement de thèses d’exercice consacrées à l’histoire de la pharmacie ;
- prêt d’expositions itinérantes (« L’aspirine », « Quand les vins et les élixirs étaient des médicaments »…) ;
- désignation d’un correspondant SHP par UFR, pour assurer continuité et coordination.
Cette dynamique s’appuie sur un renouvellement interne au sein de la SHP : une trentaine d’étudiants et jeunes pharmaciens ont rejoint l’association en deux ans, ce qui confirme la montée en puissance du sujet.
Pourquoi maintenant ?
Les UFR reconnaissent que le manque de moyens humains et budgétaires limite l’intégration de nouveaux enseignements. L’adossement à la SHP permet de proposer une offre flexible et compatible avec les maquettes pédagogiques actuelles.
L’histoire devient un outil pédagogique à part entière : elle permet d’éclairer les évolutions du statut du pharmacien, de replacer la profession dans les enjeux contemporains, et de donner aux étudiants une vision de long terme sur les transformations en cours.
Le partenariat vise à répondre à un besoin clairement exprimé, mais aussi à redonner une cohérence culturelle à une profession engagée dans de profondes mutations.
« Une discipline utile, fédératrice et tournée vers l’avenir »
Les résultats de l’étude témoignent d’un mouvement profond. L’histoire de la pharmacie n’est pas perçue comme un retour nostalgique, mais comme un levier de compréhension, d’identité et de projection professionnelle.
Avec cette collaboration nationale, les UFR cherchent à structurer une demande étudiante. L’histoire de la pharmacie gagne ainsi une nouvelle place dans la formation : non comme un supplément, mais comme un socle culturel au service du métier.
Veille Le Moniteur des Pharmacies • Article de Christelle Pangrazzi • 18/11/2025